- M. Maxime Robin, Département de sciences comptables, HEC Montréal, Le conseil en développement durable : du souci de bien faire à celui de faire faire
- M. André Luis Bezerra Cavalcanti Godoi, Département de management, HEC Montréal, Translating multiple social and environmental problems for investments: The social construction of ESG
Notre dernier séminaire a permis d’explorer deux perspectives complémentaires sur les enjeux ESG, à travers les présentations de Maxime Robin et d’André Godoi. Chacune d’elles a permis d’éclairer les tensions entre les ambitions éthiques du développement durable et les contraintes pratiques liées à leur mise en œuvre.
Ayant travaillé plus d’un an et demi dans un cabinet de conseil spécialisé en développement durable, Maxime Robin a présenté une étude ethnographique documentant les pratiques de certains consultants, notamment à partir des témoignages d’une quinzaine de participants. Il a observé trois types de tensions entre le commercialisme auquel sont soumis les conseillers et le professionnalisme auquel ils aspirent. D’abord, les tensions éthiques, entre les conseillers « militants », porteurs d’un idéal de transformation sociale, et les conseillers plus pragmatiques, s’efforçant de rester utiles dans un cadre contraint par les attentes économiques de leurs clients. Ensuite, les tensions cognitives, liées à la nécessité d’adapter le discours aux capacités de réception du client. Enfin, les tensions organisationnelles, révélant un dysfonctionnement de la pratique, notamment en raison de la dépendance aux subventions et de la difficulté à mesurer concrètement l’impact économique des interventions. Interrogé sur la portée de ces constats, Maxime Robin a précisé que, bien que les données proviennent d’un seul cabinet, elles reflètent une dynamique plus large pour les conseillers en ESG : celle d’une quête de sens au travail.
Lors de sa présentation, André Godoi a retracé l’évolution de la notion d’ESG grâce à la méthode de l’histoire des concepts (« conceptual history »), ce qui lui a permis d’identifier trois grandes phases dans la trajectoire de l’ESG. La première, dite de prélude, a posé les bases des préoccupations sociales et environnementales. La seconde, celle de l’émergence, se serait ouverte avec la crise financière de 2008, moment où les logiques de gestion du risque ont pris de l’importance. Enfin, la phase d’institutionnalisation, amorcée avec les Accords de Paris, a vu les normes ESG devenir omniprésentes dans les régulations, les évaluations financières et les pratiques de marché.
Cette présentation a permis de montrer comment des problèmes écologiques et sociaux ont été requalifiés en risques économiques, appelant une réponse organisationnelle. Au cours de la période de questions, un participant a demandé si nous n’étions pas en train d’entrer dans une quatrième phase, marquée par une forme de stagnation des normes ESG. M. Godoi a reconnu la pertinence de cette hypothèse : depuis 2022, avec la guerre en Ukraine, la montée en puissance du secteur pétrolier et les guerres culturelles autour des politiques ESG aux États-Unis, on assisterait peut-être à un recul de l’influence de la durabilité, au profit des priorités économiques et sécuritaires.
Un grand merci à nos deux présentateurs et à notre public pour ce bel échange !